« Ce monde a besoin de musique. » – (ancien slogan de France Musique)
Université / University
ESSEC Business School, MSc in Management
La Sorbonne – Paris IV, Master en Lettres modernes
La Sorbonne – Paris IV, Licence en Musicologie
ESSEC Business School, MSc in Management
La Sorbonne – Paris IV, Master in French Literature
La Sorbonne – Paris IV, Bachelor in Musicology
Mémoire / Research paper
Mémoires sur le Nouveau Roman et sur Célia Houdart
Poste actuel / Current position
Collaboratrice artistique – Opéra Orchestre National de Montpellier
Artistic collaborator – Opéra Orchestre National de Montpellier
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Music is life and life is music : 3 chansons/œuvres musicales marquantes personnellement ?
C’est la raison pour laquelle je travaille dans la musique… Je devais avoir 12 ou 13 ans, j’étais assise au tout premier rang de la Salle Pleyel (donc très mal !), l’Orchestre de Paris était sur scène à quelques centimètres de moi, et là : gigantesque choc esthétique, à la fois physique et émotionnel. J’ai su que je voulais faire partager ça, cette typologie de bouleversement tellement unique créée par le concert, à toutes les personnes vivant sur cette terre.
2e de Mahler dite « Résurrection »
Là encore, bouleversement – d’un nouvel ordre, plus métaphysique – en tant qu’ouvreuse, un peu plus tard, toujours à Pleyel. J’étais tellement transcendée et ailleurs que j’étais littéralement incapable de rentrer chez moi après avoir vécu un moment d’une telle force.
Sans surprise…une autre acmé au milieu du quotidien, de celles qui déclenchent une révolution intérieure. Cette fois c’est en 2015 à Londres, au Barbican, après un concert « normal », comme une sorte d’after pour ceux/celles qui voulaient, face au violoniste et son halo sonore. J’ai eu l’impression de quitter la réalité et d’entrer dans un autre espace-temps.
Ticket gagnant : quel a été le moment déterminant pour mettre le pied à l’étrier dans ce milieu ?
C’était il y a dix ans déjà… J’ai eu la chance incroyable de faire mon tout premier (vrai) stage à France Musique (radio spécialisée en musique classique du groupe Radio France), et c’est un univers fascinant qui s’est offert à moi, dans toute sa diversité et sa splendeur : j’ai découvert une myriade d’œuvres magnifiques, j’ai compris les enjeux liés à l’interprétation, j’ai rencontré des personnalités passionnées… Ça m’a permis de me forger une connaissance solide du grand répertoire, et de commencer à me faire un réseau – d’ami.e.s, de connaisseur.se.s, et de pros susceptibles de me conseiller et m’aider pour la suite.
Après, les opportunités se sont enchaînées, j’ai toujours eu beaucoup de chance (il en faut vraiment !) : Les Grandes Voix / Les Grands Solistes avec des stars comme Joyce DiDonato ou Natalie Dessay, l’Institut Français à Londres, le Concert Spirituel, la Philharmonie de Paris, le Festival d’Aix… Partout où je suis passée, j’ai énormément appris et surtout, j’ai vécu des moments d’une intensité folle, au plus près des artistes, de la scène, du processus artistique.
Recommandation de spectacle/concert à voir absolument pour quelqu’un qui ne sort jamais ?
Etonnamment, je dirais une comédie musicale, par exemple West Side Story – version VO bien sûr, comme celle de référence qui est proposée par le Châtelet ! C’est un spectacle total, de très grande qualité et 100% accessible car associant une musique génialissime et une histoire prenante et universelle dont les problématiques sont complètement transposables dans notre monde contemporain.
Qu’est-ce qui vous a pris de vouloir travailler dans la musique?
La musique – plus particulièrement, pour moi, la musique jouée live, donc le spectacle vivant – est une chose fascinante, pour énormément de raisons. Déjà, moi qui m’ennuie souvent, elle me passionne grâce à sa complexité (prenez le Concerto pour orchestre de Bartok, pour ne donner qu’un exemple très parlant !), les couleurs infiniment diverses que façonnent l’instrumentation, les harmonies, le rythme, la structure, etc. La musique live me permet aussi de vivre pleinement toutes les émotions, voire tous les récits qui existent – que je les ai déjà expérimenté(e)s ou non ! – et c’est quelque chose d’absolument essentiel pour moi, en tant que personne. Cela me rend plus riche, et cela me rend moi (me rend à moi-même, d’une certaine façon…). C’est aussi un art qui est ancré dans le temps et renvoie ainsi à la condition humaine, à l’importance du présent, à la beauté immédiate de l’existence. Par son essence même, la musique révèle ce que nous avons de plus précieux : l’impermanence.
Je préciserais qu’à mon sens, tous les arts peuvent procurer une émotion d’une force ineffable ; en revanche, les différents arts touchent plus ou moins chaque personne, et le font d’ailleurs d’une manière unique. Dans mon cas, c’est la musique instrumentale, abstraite, qui me parle le plus, spécifiquement le classique (bien sûr !) et le jazz. On peut dire sans exagérer que j’en raffole, plus encore que je n’oserais moi-même l’avouer.
Or je ne conçois pas la vie sans passion : il m’est apparu évident que j’allais dédier mon existence à ma passion, et donc travailler dans la musique. Seule hésitation, assez virulente pendant quelques années : « choisir » entre la musique et la littérature – mon autre grande passion !
Vous rencontrez des aliens: les 10 titres / œuvres à leur faire découvrir ?
En préambule, je tiens à dire que cette question est horrible !!!
Pour répondre j’ai simplement proposé un panel, aussi varié que possible tout en restant fidèle à mes goûts.
Passion selon Saint Mathieu – J. S. Bach
Concerto pour violon n°1 – Sergueï Prokofiev
Symphonie n°9 – Gustav Mahler
Symphonie n°8 – Anton Bruckner
Gabriel Fauré : l’intégralité de son œuvre…S’il fallait en donner une en exemple, le Quintette pour piano et cordes n°1
Quatuor – Maurice Ravel
Quatre derniers lieder – Richard Strauss
Mort d’Isolde – Richard Wagner (si j’ai le droit : Tristan et Isolde en entier !)
Ainsi la nuit – Henri Dutilleux
« Cry me a river » – Lisa Ekdahl
Bonus : « Hey Jude » – The Beatles
SRSLY (sérieusement) : les enjeux de votre métier dans les 5 prochaines années ?
Ce qui est le plus délicat ces temps-ci, c’est d’avoir une foi absolue en la pérennité de l’art…Le secteur a été très affecté par le Covid et presque dans le même temps par une crise structurelle plus profonde qui se traduit entre autres par ce que certains appellent « la désaffection du public ». En me fondant sur cette réflexion, je ferais ressortir trois enjeux majeurs pour les prochaines années.
D’abord, bien évidemment, la question du public : qui vient voir quel spectacle (ou non) ? Pourquoi ? Comment s’opèrent les choix ? Qu’est-ce qui plaît ? Qu’est ce qui fonctionne bien, et qu’est-ce qui devrait fonctionner mieux ? Comment inciter à venir voir telle ou telle proposition artistique, pas forcément parlante de prime abord ? Comment donner envie aux gens de faire plus, de découvrir plus, de…vivre plus ? Si les conditions sont réunies et que la tarification le permet – l’accessibilité est un point vraiment essentiel (pas de barrière entre la salle de spectacle et n’importe quel public potentiel) –, il est en soi tout à fait possible d’aller au cinéma le lundi soir, au théâtre le mardi soir, au concert le mercredi soir, à l’opéra le jeudi soir, dans un jazz club le vendredi soir, au cirque le samedi soir et au musée le dimanche…Il suffit d’un peu de curiosité, ou plutôt, simplement se laisser aller et écouter son envie insoutenable (qui existe en chacun de nous) de s’exposer à des émotions fortes.
En parallèle, la question de l’économie du secteur est préoccupante. Le schéma doit évoluer : si on regarde la tendance, les pouvoirs publics ne seront pas une source de financement stable éternellement. C’est le moment d’être créatif !
Enfin, en parlant de créativité, les formats, et au-delà l’ensemble des caractéristiques d’une œuvre, méritent d’être considérés comme des sources de réflexion et d’inspiration très précieuses. Il y a tellement de possibles, tellement de nouvelles choses à expérimenter (en termes de création à proprement parler et en termes de programmation) ; c’est une époque compliquée, raison de plus pour cultiver la liberté et oser !
Y a-t-il une vie après la musique et à quoi la vôtre ressemblerait-elle?
Je serais prête à tout lâcher pour rejoindre Greta !
Comment rester stoïque face à l’immense défi qui déferle sur nos vies, celui de ne pas (complètement) détruire la planète et le vivant ? Je m’évertue à agir au quotidien du mieux que je le peux, en tant que personne mais aussi dans ma vie professionnelle, en me battant pour ramener ce sujet au cœur des préoccupations des institutions. Par exemple, il faut arrêter de penser, voire de clamer, que prendre l’avion est anodin. C’est se voiler la face.
Autre chose à rajouter ?
Choisir son métier est quelque chose de très engageant, puisque c’est une activité qui progressivement nous définit aux yeux des autres et qui contribue à modeler notre personnalité dans le temps, d’une façon ou d’autre autre, notamment en termes de valeurs et de références.
Et en outre, c’est indéniable : l’art est politique ! Chaque œuvre dit quelque chose de son auteur.rice, donc du contexte d’écriture, donc de la société et du monde. Les artistes sont détenteur.rice.s d’une parole décisive, qu’elle soit verbale, instrumentale, visuelle, symbolique ou non. Mais l’entourage professionnel de l’artiste a aussi un rôle fondamental. Œuvrer pour que l’art existe (et encourager telle esthétique ou tel récit plutôt que d’autres) constitue également un engagement, et par conséquent engendre une responsabilité. Il m’apparaît crucial que chaque professionnel.le ait profondément conscience de cet impact considérable que nous avons sur le monde, et qu’il/elle s’en empare avec fougue. La passion est un excellent moteur pour nourrir l’espoir qui sommeille chez beaucoup : oui, nous réussirons à rendre le monde un peu meilleur !
…And now, in English…
3 songs/musical works that have been important in your life and why ?
I decide to work in music when I heard this masterpice… I was 12 or 13, I was sitting in the very first row of the Salle Pleyel (the worst place!), the Orchestre de Paris was on stage just a few centimetres away from me, and boom, it happened: a huge aesthetic, both physical and emotional, shock. I knew I wanted to share this, this unique type of upheaval created by live music, with all the people living on this earth.
2e de Mahler dite « Résurrection »
Another upheaval – of a more metaphysical kind – this time, few years later, when I was an usherette at Pleyel. I was just elsewhere, so transcended by what I had just lived that I was literally unable to go home after having experienced such a powerful moment.
(I will not surprise you there…) Yet another climax in the midst of the everyday, the kind that triggers an inner revolution. It was in 2015 in London, at the Barbican, after a ‘normal’ concert: a kind of late-night show was organised for those who wanted to, who stayed in front of the violinist and his sonic halo. I had the feeling of leaving reality for another space-time.
Golden Ticket moment : when did you get your big break ?
It was already ten years ago… I had the incredible opportunity to do my very first (real) internship at France Musique (a radio station specialized in classical music, part of Radio France), and I was immersed in a fascinating world, with its diversity and splendour: I discovered a myriad of magnificent works, I understood what interpretation actually mean, I met passionate people with amazing personalities… It allowed me to acquire a solid knowledge of the repertoire, and to start building a network – of friends, of experts, of professionals who could advise me and help me for the future.
After that, the opportunities came one after the other, I was always very lucky: Les Grandes Voix / Les Grands Solistes with stars like Joyce DiDonato or Natalie Dessay, the French Institute in London, the Concert Spirituel, the Philharmonie de Paris, the Festival d’Aix… Everywhere I have worked, I have learnt a lot; above all, I have lived moments of crazy intensity, close to the artists, the stage, the artistic process.
The show/gig you recommend for someone who has rarely ever goes out?
That may sound surprising, but I would say a musical, for example West Side Story – the one programmed at the Châtelet next fall! It’s a magical show and 100% accessible because it combines great music and a gripping and universal story, whose main themes are completely transposable to our contemporary world.
Why on earth did you want to work in music?
Music, especially live music, is a fascinating thing, for many reasons. First of all, music grasps me because of its complexity (take Bartok’s Concerto for Orchestra, to give just one very telling example!), due to the infinitely diverse colours shaped by instrumentation, harmonies, rhythm, structure, etc. Live music also allows me to fully experience all the emotions, even all the narratives that exist – whether I have already experienced them or not! – and this is something that is absolutely essential for me as a person. It makes me richer, it makes me discover myself, it shapes who I am, in a way…). It is also an art that is anchored in time and thus refers to the human condition, to the importance of the present, to the immediate beauty of existence. By its very essence, music reveals what is most precious in our lives: impermanence.
I believe that all the arts can provide an emotion of ineffable strength; however, the different arts affect each person to a greater or lesser extent, and do so in a unique way. In my case, it is instrumental, abstract music that speaks to me the most, in particular classical (of course!) and jazz. It’s no exaggeration to say that I’m crazy about it, even more than I would like to admit.
But I cannot conceive life without passion: it seemed obvious to me that I was going to dedicate my life to my passion, and therefore work in music. The only hesitation, quite virulent for a few years, was to “choose” between music and literature – my other great passion!
You meet aliens : which 10 tracks do they need to hear ?
I need to point out how awful this question is…I tried to calm down and keep it simple. You will find below a panel as varied as possible while remaining faithful to my taste !
Matthäus-Passion – J. S. Bach
Violin Concerto No. 1 – Sergueï Prokofiev
Symphony No. 9 – Gustav Mahler
Symphony No. 8 – Anton Bruckner
Gabriel Fauré : complete works…If I had to choose one (just as an example), the Piano Quintet No. 1
String Quartet – Maurice Ravel
Four Last Songs – Richard Strauss
Liebestod – Richard Wagner (if I may: Tristan und Isolde, the opera in full!)
Ainsi la nuit – Henri Dutilleux
« Cry me a river » – Lisa Ekdahl
Bonus : « Hey Jude » – The Beatles
SRSLY (seriously): what are the stakes of your job within the next 5 years in your opinion ?
What is most difficult these days is to have absolute faith in the fact that live entertainment will keep on existing… The sector has been very much affected by Covid and almost at the same time by a deeper structural crisis which is reflected, among other things, in what some people call “the disaffection of the audience”. Based on this reflection, I would highlight three major issues for the coming years.
Firstly, of course, the question of the audience: who comes to see which show (or not)? Why do people come? How do they make choices? What do people like? What works well, and what should work better? How can we encourage people to come and see this or that artistic proposal, which may not be immediately appealing? How can we make people want to do more, to discover more, to… experience more? If the conditions are met and the pricing allows it – accessibility is a really essential point (no barrier between the theatre and any potential audience) – it is in itself quite possible to go to the cinema on Monday evening, to the theatre on Tuesday evening, to a concert on Wednesday evening, to the opera on Thursday evening, to a jazz club on Friday evening, to the circus on Saturday evening and to the museum on Sunday… All it takes is a little curiosity, or rather, simply letting go and listening to the inner urge to live strong emotions.
At the same time, the question of the sector’s economy is worrying. The pattern must change: if we look at the trend, our ways of functioning are fragile, and public funds are clearly not reliable anymore. It is time to be creative!
Finally, speaking of creativity, formats, and beyond that all the characteristics of a work, deserve to be considered as very valuable sources of reflection and inspiration. There are so many possibilities, so many new things to experiment (both in terms of creation and programming); it’s a complicated time, all the more reason to cultivate freedom and dare!
Is there life after music, and what would yours be ?
I would be ready to give up everything to join Greta!
How is it possible to remain stoic when we are facing such a gigantic challenge, i.e. not (completely) destroying the planet and living beings? I try to act on a daily basis as best I can, as a person but also in my professional life, by fighting to bring this subject back to the heart of the institutions’ concerns. For example, we must stop thinking (for some even claiming) that flying is harmless. That is really foolish.
Anything else to add ?
Choosing one’s profession is a very serious matter, since it is an activity that progressively defines one in the eyes of others and contributes to shaping one’s personality over time, especially in terms of values and references.
Moreover, art is fundamentally political! Each work says something about its author, thus about the context in which it was written, and by extension about society and the world. Artists are the holders of a decisive language, whether it be verbal, instrumental, visual, symbolic or not. But the artist’s professional entourage also has an essential role. Working for the art to exist (and encouraging this aesthetic, or that narrative, rather than others) also constitutes a commitment, and therefore generates a responsibility. I think it is crucial that every professional is acutely aware of the huge impact we have on the world, and that he/she takes it on with passion. Passion is an excellent motor to feed the hope that lies dormant in many: yes, we will succeed in making the world a little better!