Crédit photo : Emma Poupel
“Comprendre, c’est déjà aimer”
Université / University
Licence Communication des organisations – Université de Clermont Ferrand
Master Sciences Politiques et Sociales, Médias, Information et Communication – Institut Français de Presse (Panthéon-Assas)
Master Médias informatisés et Stratégies de communication – CELSA (Paris-Sorbonne IV)
Mémoire / Research paper
Mémoire IFP : La reprise de musique classique en dissonance audiovisuelle au cinéma
Mémoire Celsa : Reprendre, c’est jouer ? Enjeux ludiques, narratifs et culturels de la musique préexistante dans le jeu vidéo.
Poste actuel / Current position
Directeur de création & co-fondateur de l’agence de communication le philtre, consacrée à la musique classique
>> LinkedIn <<
>> Twitter <<
>> Facebook <<
>> Instagram <<
>> Site web <<
Music is life and life is music : 3 chansons/œuvres musicales marquantes personnellement ?
Symphonie n°6 « Tragique » – Mahler, par Sir Georg Solti et le Chicago Symphony Orchestra
C’est par la porte démesurément grande de la 8ème symphonie de Mahler que j’ai aperçu et rencontré par hasard, ado, la musique classique, entrainant une boulimie discographique. La 6ème symphonie par Solti, découverte quelques semaines plus tard – et les coups de marteau de son dernier mouvement – ont renversé la chaise haute de préjugés depuis laquelle je toisais le classique, pour me faire sombrer dans une mahlermania et un amour infini de l’orchestre. D’autres interprétations me sont devenues indispensables depuis, mais je dois beaucoup à celle-ci.
Richte Mich Gott – Mendelssohn, par Nicol Matt et le Chamber Choir of Europe
Peu après avoir découvert Mahler, j’ai eu la chance d’assister à une répétition chorale de la 9ème de Beethoven. La chair de poule ne ment pas : ça m’a donné envie de chanter en chœur amateur, ce que j’ai pu faire à l’université de Clermont-Ferrand. Là-bas, en tutti ou en décomposant par pupitre les messes de Charpentier ou la musique a cappella de Mendelssohn, j’ai l’impression qu’un univers entier de sensibilité s’est débloqué dans mon cerveau jusqu’alors innocent harmoniquement.
Gurre-Lieder – Schoenberg, par Giuseppe Sinopoli et la Staatskapelle Dresden
Au-delà de leur génie absolu, ces Gurre-Lieder, climax du post-romantisme décadent, sont à l’origine de ma plus vive émotion de concert. Claque répétée même, qui me pousse à voyager pour revivre le miracle, à Paris (Salonen/Radio France/2014), à Londres (Salonen/Philharmonia/2018) ou récemment à Dresde (Thielemann/Staatskapelle/2020). C’est une œuvre bruyante, excessive, sensuelle, moderne et à crever de beauté. Il faut vivre ça en live.
Ticket gagnant : quel a été le moment déterminant pour mettre le pied à l’étrier dans ce milieu ?
Un stage à Paris, chez Qobuz ! Obtenu sur Twitter au culot, en abordant en DM le patron-fondateur Yves Riesel. La dinguerie de la vie musicale parisienne, le choc du niveau des orchestres, la richesse des missions de ce premier stage, et de belles rencontres m’ont convaincu de m’installer dans la capitale et de forcer ma chance dans le petit monde du classique.
Recommandation de spectacle/concert à voir absolument pour quelqu’un qui ne sort jamais ?
Une seule recommandation : aller se prendre une monstrueuse baffe sonore, avec un énorme orchestre symphonique. Oublier un instant la complexité ou le rituel de ce qui se trame sur scène et s’abandonner en soi à une expérience acoustique, physique et sensorielle.
De quoi éclater les préjugés les plus tenaces sur une musique classique qu’on se figure embourgeoisée ou poussiéreuse, réservée à la relaxation, déconnectée de notre époque ou soporifique. Le choix est infini, mais dans le doute et parmi les œuvres fréquemment données, visez n’importe quelle symphonie grandiose, de Mahler, Chostakovitch ou Tchaïkovski, le Poème de l’extase de Scriabine, Roméo et Juliette de Berlioz, un Stabat Mater de Poulenc, une Vie de Héros de Richard Strauss, ou une 4ème de Bruckner pour expérimenter dans son Finale la malléabilité du temps, histoire de vous faire saisir, cueillir, retourner, re-retourner, et plaquer au fond de votre siège.
Qu’est-ce qui vous a pris de vouloir travailler dans la musique?
La frustration ! J’avais environ 15 ans quand la musique a subitement pris beaucoup trop de place dans ma vie. Tant de beautés à apprivoiser, de mondes à explorer… Sauf qu’à mesure que les découvertes travaillaient la patine de mes goûts, je me suis heurté en parallèle à la difficulté de les partager autour de moi : le mur des a priori, la régression de l’écoute active, le bruit du monde et sa vitesse, et tout ce qui va naturellement contre la découverte de cette musique, qui demande de la concentration, mais surtout de la patience, comme une plante qui fleurit doucement à mesure qu’on l’entretient.
Si je n’ai jamais nourri de velléité de musicien, j’ai compris que je ne pourrai pas pour autant me contenter d’être un mélomane du dimanche silencieux. J’essaie aujourd’hui de consacrer mon énergie à promouvoir la musique et les artistes qui la font vivre, en offrant un maximum de portes d’entrée à tous ceux qui auront un jour la chance, l’envie ou l’occasion de s’y intéresser.
Vous rencontrez des aliens: les 10 titres / œuvres à leur faire découvrir ?
Pour les aider à appréhender :
Les frontières du génie humain
Passion selon Saint-Jean – Herr, unser Herrscher – Bach (John Eliott Gardiner, Monteverdi Choir, et les English Baroque Soloists)
Le venin séducteur de la musique
Tristan und Isolde – Prélude – Wagner (Carlos Kleiber et la Staatskapelle Dresden)
La méditation métaphysique faite poésie
La Vallée d’Obermann – Liszt (Claudio Arrau)
L’amour et ses visages de renoncement, d’espoir, de regret
Trio Final du Rosenkavalier – Richard Strauss (Karl Bohm, Wiener Philharmoniker, Christa Ludwig, Tatiana Troyanos, Edith Mathis)
La beauté première, dépouillée du superflu
Stabat Mater – Vivaldi (Andreas Scholl, Chiara Bianchini, Ensemble 415)
La musique des sphères et de l’univers
Symphonie n°8 – Finale « Alles Vergängliche Ist nur ein Gleichnis » – Mahler (Giuseppe Sinopoli, Philharmonie Chorus & Orchestra)
Le drame et la désolation totale
Metamorphosen – Richard Strauss (Rudolf Kempe et la Staatskapelle Dresden)
La banalité de nos vies anonymes
“Destin d’hymen”- Klub des loosers
La mort
Quatre Chants Sérieux – “O Tod, wie bitter bist du” – Brahms
Et pour leur souhaiter un bon retour malgré nos petits chagrins et les grandes tragédies
“Good Bye Stranger” – Supertramp
SRSLY (sérieusement) : les enjeux de votre métier dans les 5 prochaines années ?
La musique classique doit apprendre à se promouvoir sans s’excuser d’être de la musique classique.
Dans les années à venir, l’enjeu c’est de permettre aux singularités des projets de se distinguer dans un marché saturé de propositions, sans trahir les artistes ou les changer à tout prix en people.
La clé, c’est probablement d’être créatifs pour imaginer les contenus qui recruteront de nouveaux futurs passionnés dans le grand public, tout en touchant aussi les déjà convaincus – un clivage d’audience qui parait aujourd’hui insoluble. Arriver à mettre en lumière la musique, sa beauté et l’émotion qu’elle procure, sans se vautrer dans le kitsch ou la vulgarité. Réussir des hybridations avec d’autres médias, d’autres arts, sans verser dans le ridicule, le faussement cool ou le ringard. Rendre plus visible sans dénaturer. Et toujours, ouvrir des portes sans abaisser l’art.
Y a-t-il une vie après la musique et à quoi la vôtre ressemblerait-elle?
Plutôt mourir !
Autre chose à rajouter ?
Merci la Nouvelle Onde ! Et franchement, sans rire, écoutez du Mahler.
…And now, in English…
3 songs/musical works that have been important in your life and why ?
Symphonie n°6 « Tragique » – Mahler, par Sir Georg Solti et le Chicago Symphony Orchestra
I discovered classical music by chance, when I was a teenager, with Mahler’s gigantic 8th Symphony, which made me want to listen to thousands of other CDs. I discovered his 6th symphony, by Solti, a few weeks later. I was very surprised because I looked down on “classical” music a bit, and the hammer blows of the last movement destroyed my prejudices. After that I naturally caught a mahlermania and fell in love with symphonic music. Since then, I have listened to other interpretations that I like more, but this record marked me a lot.
Richte Mich Gott – Mendelssohn, par Nicol Matt et le Chamber Choir of Europe
Soon after discovering Mahler, I had the chance to attend a choral rehearsal of Beethoven’s 9th, which gave me chills. I immediately wanted to sing myself, and I joined an amateur choir at the University of Clermont-Ferrand. Over there, during a year of rehearsals, with all the voices (or while working on my baritone parts), I gradually understood Charpentier’s masses, or Mendelssohn’s a cappella music. It seems to me that my brain has unlocked a complete universe, a new sensitivity, whereas so far I was a virgin, harmonically speaking.
Gurre-Lieder – Schoenberg, par Giuseppe Sinopoli et la Staatskapelle Dresden
The Gurre-Lieder, besides being the asbolute masterpiece of post-romanticism, are also my best concert. And to relive the miracle, I travel across Europe to hear new performances: Paris (Salonen / Radio France / 2014), in London (Salonen / Philharmonia / 2018) or recently in Dresden (Thielemann / Staatskapelle / 2020). It is a work that is thunderous, sensual, modern and deeply beautiful. You have to experience it live.
Golden Ticket moment : when did you get your big break ?
An internship at Qobuz (Paris)! I got the job by sending a DM to the boss / founder of the company, on Twitter. It was a daring move. Then, I fell in love with the musical life in Paris (oh the amazing qualities of Parisian Orchestras!). Add to this the benefits of my internship and some great people I met there, I finally decided to settle in the city, and to try my luck in the classical music universe.
The show/gig you recommend for someone who has rarely ever goes out?
Just a tip. Go get a tremendous musical slap. With a huge symphony orchestra. Forget for a moment that what happens on stage is very complex. Get inside your brain, and let go of all resistance. Feel the acoustic, physical and sensory experience. We often imagine that classical music is dusty, mannered, reserved for relaxation, disconnected from our time or soporific. A single symphonic concert can destroy all these prejudices. And you are spoiled for choice. For instance, go listen to any grandiose symphony, from Mahler, Shostakovich or Tchaikovsky, Scriabin’s Poem of Ecstasy, Berlioz’s Romeo and Juliet, Poulenc’s Stabat Mater, Richard Strauss’s Heldenleben, or Bruckner’s 4th symphony (with its Finale that stretches out time). You’ll get grabbed, kicked, flipped, and end up breathless in the back of your seat.
Why on earth did you want to work in music?
Frustration ! I was about 15 when I became crazy about music. So many things to discover, so many worlds to explore … Time passed, my taste evolved. But all around me, I had many difficulties sharing this passion : my friends had strong prejudices. People are no longer used to actively listening to music. Plus everything is fast nowadays and our world is very noisy. All this does not help to easily discover classical music, which requires concentration, but above all patience. A bit like a plant that blooms gently as you take care of it.
I never really wanted to be a musician. But I knew I couldn’t just be a simple music lover, alone in my corner. That’s why today I try to devote my energy to promoting artists and their projects. And to open new paths of discovery for people who will one day have the chance, the desire or the opportunity to meet this music.
You meet aliens : which 10 tracks do they need to hear ?
To help them understand:
The horizon of human genius
Passion selon Saint-Jean – Herr, unser Herrscher – Bach (John Eliott Gardiner, Monteverdi Choir, et les English Baroque Soloists)
The poison in music
Tristan und Isolde – Prélude – Wagner (Carlos Kleiber et la Staatskapelle Dresden)
Metaphysical meditation as a poetry
La Vallée d’Obermann – Liszt (Claudio Arrau)
The multiple faces of Love
Trio Final du Rosenkavalier – Richard Strauss (Karl Bohm, Wiener Philharmoniker, Christa Ludwig, Tatiana Troyanos, Edith Mathis)
Primary beauty, in its simplicity
Stabat Mater – Vivaldi (Andreas Scholl, Chiara Bianchini, Ensemble 415)
The universe ringing and resounding, with revolving planets
Symphonie n°8 – Finale « Alles Vergängliche Ist nur ein Gleichnis » – Mahler (Giuseppe Sinopoli, Philharmonie Chorus & Orchestra)
The heaviness of desolation
Metamorphosen – Richard Strauss (Rudolf Kempe et la Staatskapelle Dresden)
The triviality of our anonymous lives
“Destin d’hymen”- Klub des loosers
Death
Quatre Chants Sérieux – “O Tod, wie bitter bist du” – Brahms
And to wish them a safe return despite our sorrows and tragedies in life:
“Good Bye Stranger” – Supertramp
SRSLY (seriously) : what are the stakes of your job within the next 5 years ?
First, classical music must learn to promote itself without apologizing for being classical music.
In the years to come, we must help projects stand out from others in a market saturated with proposals. And we must do this without betraying the artists, without trying to turn them into stars at any cost. The key is undoubtedly imagining new content that will have the power to recruit future enthusiasts within the general public, but also reach fans of classical music who are already convinced. However, these two very different audiences seem irreconcilable nowadays. If we hope for a communication of classical music able to speak to everyone, it is necessary to: highlight the music, its beauty and the emotion it provides, without traces of bad taste or vulgarity. We also have to try (and succeed in!) blending with other media, other arts, without becoming ridiculous, deceptively cool or out of date. Give more visibility without change the subject. And open new paths of discovery, without lowering art.
Is there life after music, and what would yours be ?
I would rather die!
Anything else to add ?
Thank you La Nouvelle Onde! And, seriously, listen to some Mahler.
3 réflexions sur “#PrixLNO 2020 : Olivier Lalane – « Je gère »”